Dans le récit de ma vie, je me suis si souvent senti comme un puzzle complexe, avec des pièces éparpillées dans un monde qui ne semblait pas toujours prêt à les assembler.

Enfant surdoué, mon parcours scolaire a été marqué par une avance de deux ans, un monde académique où je brillais, toujours premier de ma classe. Cependant, cette excellence de façade, ce que beaucoup de mes camarades prenait pour de la facilité, cachait une lutte intérieure, un défi constant pour naviguer dans les subtilités des relations sociales, où je me sentais souvent étranger.

Ma nature, intrinsèquement honnête et fiable, m’a rendu vulnérable face à la duplicité d’autrui, me laissant souvent blessé, sans comprendre pourquoi. Particulièrement en 2012, après avoir été trahi de la plus ignoble manière après plus de deux décennies d’une relation toxique qui s’est heureusement achevée en 2015.

Cette période difficile a été exacerbée par le fait que nous vivions à l’étranger où j’ai été confronté à un déni de justice absolu.

Dans ce pays, la violation systématique des principes juridiques internationaux les plus basiques a non seulement accentué ma désillusion et ma détresse, mais a également contribué à l’apparition de sérieux problèmes de santé : un AVC en 2015 et un AIT en 2022.

Ces épreuves de santé majeures m’ont poussé à chercher des réponses afin de comprendre les raisons profondes de ces événements dévastateurs.

Encouragé par ma compagne Laurence, et soutenu par mes quatre fils, Michael, Manuel Jr, Maxence et Mallory, j’ai entrepris des tests pour un trouble du spectre autistique, découvrant finalement que je suis porteur du Syndrome d’Asperger.

Ce diagnostic n’a pas été un choc, mais plutôt une révélation. Mes proches, qui avaient depuis longtemps remarqué ma différence, n’ont pas été surpris. Pour moi, cela signifiait pouvoir espérer comprendre pourquoi j’avais toujours perçu le monde différemment, pourquoi les interactions sociales me semblaient si complexes. C’était comme si je venais de trouver le mode d’emploi d’une vie qui m’avait longtemps semblé cryptique, restait à le déchiffrer.

Avec cette nouvelle compréhension, j’ai commencé à reconsidérer ma vie. L’équipe qui m’a diagnostiqué m’a suggéré de faire une thérapie pour revisiter les principales étapes de ma vie « d’avant » afin de les revivre, avec mes « yeux à moi », sans le filtre de l’adaptation forcée. Cela m’aidera à reconnaître les signaux des gens bienveillants et à m’éloigner des influences nocives et des menteurs contre lesquels je suis si mal armé.

Cette période débutante est une renaissance, un éveil à une nouvelle manière de vivre, celle que je dois encore inventer, la mienne.

Mon adhésion à un groupe de parole d’Aspies est aussi une étape sensible. Partager mes expériences avec des personnes qui traversent des chemins similaires est libérateur. Ces rencontres sont des moments précieux, où je peux être moi-même sans jugement, un lieu où nous apprenons les uns des autres, où nous nous soutenons dans notre quête commune de sens et d’harmonie.

Vivre avec le Syndrome d’Asperger est un voyage complexe, fait de hauts et de bas. Il y a des moments où le monde extérieur peut sembler accablant, où les stimuli sensoriels et émotionnels deviennent trop intenses. Mais il y a aussi des instants de pur bonheur, où ma perception unique du monde m’offre des perspectives que d’autres pourraient sans doute ne jamais connaître.

Aujourd’hui, je vois mon Asperger non comme un fardeau, mais comme une facette unique de mon être. Grâce au soutien inébranlable de Laurence, à l’amour de mes fils, et à cette fraternité de destin dans mon groupe d’Aspies, je m’aventure avec un espoir juvénile dans chaque nouvelle journée.

Et maintenant, face à l’un des plus grands défis de ma vie, je me prépare, avec Mallory à mes côtés, pour l’ascension de l‘Aconcagua. Ce sommet, un géant parmi les montagnes, représente pour moi bien plus qu’une simple ascension physique. Après avoir gravi avec Mallory le Kilimandjaro en 2019 et le Mont-Blanc en 2023, ce sera ma première grande aventure depuis que j’ai compris ma vraie nature en tant qu’Asperger.

Ce voyage symbolise ma rencontre avec le vrai moi, celui qui a été révélé et accepté par ceux que j’aime et qui m’aiment, celui qui comprend enfin pourquoi il voit le monde différemment.

Je ne sais pas si nous atteindrons le sommet, il paraît que seuls 30% y parviennent, mais cette tentative sera un chemin. Chaque pas sur cette montagne sera un pas vers une compréhension plus profonde de moi-même, une découverte grandissante de ma singularité. Cette ascension sera un parallèle puissant à mon voyage en tant qu’Asperger.

Comme sur la montagne, nul doute qu’il y aura des moments difficiles, des épreuves à surmonter, mais aussi de magnifiques panoramas et d’incroyables instants.

Avec Mallory à mes côtés, ce périple est également un témoignage de notre lien indéfectible, de notre solidarité face aux défis, qu’ils soient personnels ou physiques. Ce sera une opportunité de réfléchir, de nous connecter encore plus intensément et de profiter de chaque étape du voyage, peu importe sa fin.

En fin de compte, j’ai envie de voir cette tentative comme un symbole de ma nouvelle vie : une vie où je souhaite assumer en conscience qui je suis, où j’espère ressentir mes différences comme des forces, et où chaque défi sera une chance d’apprendre à connaître qui je suis vraiment… en ayant définitivement banni de mon existence ces gens qui m’ont fait tant de mal.

L’Aconcagua ne sera pas seulement une montagne que j’aurai tenté de gravir, mais la porte entre l’avant incompris et ce présent à librement imaginer, un jalon dans mon voyage continu d’acceptation, de compréhension et surtout d’amour.

Avec Laurence et mes fils, j’ai envie d’affronter ce qui vient parce que découvrir … enfin… qui on est… est une chance extraordinaire, qu’importe l’âge auquel ce cadeau nous est offert.

Merci…

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